Dimanche 22 Septembre, 17:01
La pluie tombe depuis déjà une bonne heure, mon regard se perd dans le ciel gris et je me prends à m’évader dans mes nombreuses pensées. Je retourne sur des évènements passés, des personnes parties depuis très longtemps qui ont eu un impact considérable dans ma vie. Et je me rends compte qu’il n’y a quasiment pas eu un seul jour où je n’y ai pas pensé. À quel point j’ai laissé ce genre d’histoires m’affecter jusqu’à aujourd’hui. Cette manière que j’ai de m’accrocher autant à un temps révolu, à des émotions plutôt compliquées. Il y a des jours où j’ai l’impression que je suis totalement prête à laisser partir ces personnes et souvenirs, une bonne fois pour toute. Et d’autres jours, comme aujourd’hui, où je prends conscience que ça me touche encore. Un peu trop.
Toutes ces pensées m’ont inspirée pour écrire ce nouvel article. Le moment s’y prêtait parfaitement.
Je me suis donc dit qu’il était temps d’introduire un autre Yama après Ahimsa (non-violence) : Aparigraha ou l’art de lâcher prise.
Avant d’approfondir le sujet, je vous fait un petit rappel pour que vous vous y retrouvez :
Dans les yogas sutras de Patanjali, on retrouve les 8 membres du yoga étant :
- Yamas : règles de conduite
- Niyamas : observances
- Asana : postures
- Pranayama : contrôle de la respiration
- Pratyahara : retrait des sens
- Dharana : concentration
- Dhyana : méditation
- Samadhi : état d’unité, connexion avec l’Univers
Ces 8 branches peuvent être vues comme des étapes à réaliser pour atteindre cet état d’unité, de bonheur.
Les Yamas sont des codes moraux et règles de conduite à observer envers le monde extérieur et envers vous-même.
Ils sont au nombre de cinq :
- Ahimsa : non-violence
- Satya : Honnêteté
- Asteya : ne pas voler
- Brahmacharya : non-excès
- Aparigraha : non-possessivité
Aparigraha ou non-attachement est un principe qui nous invite à lâcher prise et se détacher du matériel, du passé, des personnes, des émotions et des attentes. Notre vie change constamment, des personnes arrivent sur notre chemin quand d’autres s’en vont, nous expérimentons du positif et du négatif, on se sent bien, on se sent mal et chaque jour est totalement différent du précédent. Pour pouvoir avancer et nous épanouir pleinement, nous devons faire le choix d’appliquer Aparigraha et approcher la vie sereinement, sans trop d’attaches ni d’attentes.
C’est l’un des concepts les plus importants qui est rappelé aux élèves durant chaque classe de yoga.
Alors pourquoi lâcher prise peut paraître si difficile à intégrer pour certaines personnes ? Pourquoi c’est important de ne pas s’attacher à des personnes, des émotions, des résultats, des événements, du matériel…?
Simple à expliquer, un peu plus compliqué à réaliser je dirais. Quand nous nous attachons un peu trop, on commence également à avoir trop d’attentes. Des attentes irréelles, qui ne se réalisent jamais, à part dans notre esprit, ce qui nous amène seulement à être davantage déçu.
L’une des principales causes de la souffrance que l’on ressent est générée par les regrets du passé et le stress du futur. De rester coincé autant dans le passé, de penser à des choses révolues, on s’interdit d’avancer dans notre vie, se fermant à toutes les nouvelles possibilités. Et c’est souvent comme ça qu’on manque des opportunités nous passant juste sous notre nez, car on se crée des murs invisibles, on devient aveugle au présent, préférant se réfugier dans le passé, dans les souvenirs et les regrets. Quant au futur, nous avons souvent tendance à espérer qu’une telle situation se passe de telle manière, on se crée tout un scénario dans notre tête, plaçant des attentes et espoirs beaucoup trop grands.
Pratiquer Aparigraha sur son tapis :
Quand vous bougez sur votre tapis, c’est important de lâcher prise du résultat de votre pratique. De trop essayer à être parfait dans les asanas ou la méditation nous mènera à de la frustration et on loupera alors les bienfaits du yoga en général. Combien de fois ça vous est arrivé de vous être comparé à la personne à côté de vous. A vous dire que votre pratique est moins avancée que la sienne et de vous sentir bien plus mal qu’avant de commencer la pratique? De vouloir aller plus loin que ce que votre corps vous permet de faire.
Comme on peut dire en anglais : Just go with the flow. Appréciez votre pratique telle qu’elle est aujourd’hui, car elle est parfaite comme ça. Pratiquez juste parce que vous aimez le yoga, et que vous aimez cette sensation qui se produit dans votre corps et esprit à chaque fois que vous vous installez sur votre tapis. Ne pratiquez pas pour le résultat final. Venez sans attentes particulières et laissez vous totalement porter par ce moment précis.
Apprendre à lâcher prise dans sa vie personnelle :
S’il y a bien un Yama que j’ai une certaine misère à appliquer, ce serait bien celui-ci. Je me souviens des questions posées lors de mon examen à Bali, il y en avait une en particulier qui demandait lequel des Yamas me paraissait le plus inaccessible, le plus compliqué et je n’ai pas hésité une seconde à répondre Aparigraha.
Ne pas s’attacher à des choses matérielles, je n’ai pas vraiment de problème à ce niveau-là. A l’inverse, quand on commence à parler de personnes, de sentiments et du passé, LET ME TELL YOU, that’s a completely different story… Lâcher prise de personnes qui ont compté pour moi, qui ont eu un grand impact dans ma vie, que ce soit positif ou négatif, peu importe le résultat, les sentiments et les émotions qui suivent, tout cela me paraît toujours mission impossible.
I am awfully sentimental.
Of books,
belongings,
people,
places.
It matters very little how
positive or negative
the experience was.
If it shared some
meaningful time in my life,
I’ll have trouble letting go.
-Beau Taplin
Et, quand on prend le temps d’y penser réellement, c’est étrange cette manière de rester coincé sur des émotions douloureuses, ou des personnes qui ne peuvent et ne veulent pas nous apporter ce que l’on cherche. Comme si l’on se faisait du mal intentionnellement. Nous vivons avec une énergie négative, qui continue à nous pousser vers le bas et qui nous laisse un goût amer dans la bouche.
Personnellement, je me suis rendue compte à quel point mon attachement sur des expériences passées (en particulier celles qui m’ont fait souffrir) m’apporte dans le présent davantage d’expériences difficiles à faire face. Selon ce que j’ai vécu, des peurs se créent en moi, certaines pensées également car je ne veux absolument pas revivre la même chose. Et pourtant à cause de ces peurs et croyances auxquelles je m’attache un peu trop, de cette énergie négative, j’attire dans le présent EXACTEMENT la même chose. J’agissais d’une manière qui ne me servait aucunement, comme un cercle vicieux et il m’a fallu un sacré temps avant d’en prendre conscience et de commencer enfin à changer ces anciennes habitudes créées en moi depuis des années.
« Let it hurt. Then let it go. »
L’Univers envoie sur notre chemin des événements qui font que notre vie change, que des personnes viennent et partent, que certains buts ne peuvent pas être atteints tout de suite, que l’on doit s’adapter et continuer à avancer. Quand nous avons de l’attachement sur tout cela, les changements peuvent paraître difficile à accepter, car nous avons l’impression de perdre une petite partie de nous. On se sent perdu, voulant trouver toutes les réponses à nos questions : Pourquoi ça n’a pas marché comme je le souhaitais? Qu’est-ce que j’ai fait pour mériter ça ?
On a cette tendance à vouloir toujours tout contrôler. Absolument tout. On place toute notre énergie à essayer d’arranger certaines situations alors qu’au fond de nous, on sait que ça ne changera rien. On résiste, encore et encore pour au final se sentir encore plus mal qu’avant. Seulement, il y a beaucoup d’événements sur lesquels nous n’avons aucun contrôle. C’est difficile à accepter. Et je ne dis pas qu’il faut à chaque fois abandonner tout de suite. C’est important d’essayer mais quand on comprend que peu importe les actions que nous prendrons, la situation ne changera pas, la meilleure chose à faire et de prendre du recul, se poser et lâcher prise de cette situation.
Nous sommes toujours en constante recherche du bonheur extérieurement. On achète plus de vêtements, en se disant qu’on se sentira mieux si on a cette nouvelle chose dans notre vie. On s’attache fortement à cette personne en particulier en pensant qu’elle nous sauvera de la solitude, ou qu’elle nous fera nous sentir aimé. La réalité est que tout ce que l’on cherche, le bonheur, l’amour, le sentiment de complétude, tout cela, se trouve déjà en nous. Il suffit de tourner son regard intérieurement et de voir à quel point nous pouvons être heureux en se concentrant sur nous et sur le présent.
Si je reviens à ce que j’ai écrit en début d’article, oui c’est le Yama qui me donne le plus de difficulté. Mais pour autant, avec mes années de pratique de yoga et en particulier cette première année à enseigner, je me rends compte à quel point j’ai évolué à ce sujet. J’ai appris tellement de choses, lu beaucoup de livres inspirants, de poèmes et j’ai découvert des choses enfouies en moi depuis bien trop longtemps. C’est une découverte de soi, en profondeur. J’ai avancé positivement, je suis capable de reconnaître quand mon attachement devient beaucoup trop toxique, d’observer toutes mes émotions et habitudes et d’essayer autant que possible de laisser partir celles qui ne me permettent plus d’avancer.
J’imagine que c’est un travail de toute une vie, mais certainement l’un des plus beaux concepts à appliquer afin d’être en paix avec soi-même.
0 commentaires